Kigali derrière le scandale Mutamba : info ou intox ?

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Consant MutMinistre de la Justice et Garde des sceaux de la RDC

Depuis la mise en examen du ministre congolais de la Justice, Constant Mutamba, pour détournement de fonds publics, des accusations d’ingérence étrangère circulent à Kinshasa. Dans sa lettre de démission, lui-même pointe directement Kigali, accusant le Rwanda de comploter contre lui. Alors, qu’en est-il vraiment ? Nous avons vérifié.

Les accusations entre la RDC et le Rwanda ne datent pas d’hier. Voici quelques faits marquants :

  • Kigali accuse Kinshasa de soutenir les FDLR, une milice hostile au Rwanda, active dans l’Est congolais.
  • En retour, la RDC accuse le Rwanda de soutenir les rebelles du M23 (ou AFC/M23, selon les terminologies récentes).
  • Fin juin, les autorités rwandaises dénonçaient une campagne venue de RDC, alimentant des rumeurs sur la mort du président Paul Kagame.
  • Le vice-Premier ministre congolais, Jacquemain Shabani, est allé jusqu’à accuser Kigali d’opérer une transplantation de populations étrangères » dans les territoires de Rutshuru et Masisi, en pleine zone de conflit.
  • Et désormais, Constant Mutamba accuse ouvertement Kigali d’être à la manœuvre derrière ses ennuis judiciaires.

Dans ce climat explosif, chaque événement majeur ravive la guerre des mots et des accusations. Certaines sont étayées, d’autres relèvent davantage de la rhétorique politique.

Pourquoi le cas Mutamba fait autant de bruit ?

Nommé ministre de la Justice en mai 2024, Constant Mutamba s’était rapidement imposé comme une figure clivante et populaire. Il promettait de réformer une justice qu’il qualifiait lui-même de « malade », et n’hésitait pas à menacer publiquement les détourneurs de fonds.

Lors d’un rassemblement de plus de 2000 jeunes, il déclarait :

« Si nous arrêtons dix voleurs de l’argent public, ce sera déjà une méthode de sensibilisation efficace. » (source : Justiceinfo.net)

Mais aujourd’hui, c’est lui qui est soupçonné d’avoir détourné près de 19 millions de dollars, initialement destinés à la construction d’une prison à Kisangani. Son immunité a été levée par l’Assemblée nationale, ouvrant la voie aux poursuites judiciaires.

Le 19 juin, il officialise sa démission. Une démission attendue, puisque la Constitution congolaise interdit à un ministre poursuivi de rester en fonction une fois son immunité levée. Dans sa lettre, il dénonce : « Un complot politique visiblement conçu à Kigali et exécuté par certains de nos compatriotes. »

 Mutamba et Kigali : un contentieux assumé

Ce n’est pas la première fois que Mutamba cible le Rwanda. Selon Actualite.cd, il avait publiquement promis une récompense à toute personne qui réussirait à capturer le président rwandais Paul Kagame, en raison de son soutien présumé aux rebelles du M23.

Le ressentiment est réciproque : quand Mutamba a été traduit en justice, la réaction de Kigali ne s’est pas fait attendre. Sur X (ex-Twitter), le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, répondait : « Quand l’excès de populisme, de xénophobie, d’idéologie du génocide et de haine anti-rwandaise vous revient en boomerang. »

Ce que disent les faits — et ce qu’ils ne disent pas

À ce stade, aucun élément matériel ou preuve indépendante ne permet d’établir que Kigali soit directement impliqué dans les poursuites visant Constant Mutamba. Son accusation reste une déclaration politique, inscrite dans un contexte plus large de tensions diplomatiques persistantes entre les deux pays.

L’hypothèse d’une instrumentalisation politique n’est pas à exclure — mais elle relève, pour l’instant, d’une interprétation plus que d’un fait démontré.

Conclusion

Les accusations réciproques entre Kinshasa et Kigali sont un vieux refrain des relations entre les deux voisins. Dans le cas de Mutamba, si le contexte diplomatique sert de toile de fond, aucune preuve tangible ne permet d’affirmer que Kigali est derrière ses ennuis judiciaires.

À ce stade, l’affaire relève bien plus d’un scandale judiciaire interne que d’un complot étranger démontré.

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